Bonjour ou bonsoir à tout le monde ! Ici Draignaell pour son premier article côté blog, et je vais vous parler d’une courte pièce de théâtre que j’ai eu l’occasion d’aller voir durant le petit festival du Cabaret de Curiosité, j’ai nommé :
La petite fille de Monsieur Linh
La Petite fille de Monsieur Linh est un seul en scène interprété par Jérôme Kircher. Le spectacle est une adaptation du roman du même nom – écrit par Philippe Claudel – par le metteur en scène belge Guy Cassiers. Il est le second panneau d’un diptyque ayant pour thème l’immigration, le premier étant Borderline, un spectacle mêlant danse et théâtre adapté du roman de Elfriede Jelinek : Les Suppliantes.
Son fils était parti avec sa femme et leur nouvelle-née Sang-Diû – “Matin Doux” – à la rizière. Iels n’en sont jamais revenus, Monsieur Linh a retrouvé la rizière détruite, un cratère à la place, le corps de son fils, de sa femme. Plus loin, la petite, emmailloté, les yeux grand ouvert, indemne à côté de sa poupée, décapitée par un éclat de la bombe.
Monsieur Linh, a fui la guerre de son pays avec sa petite fille et une centaines d’autres réfugiés. Iels sont arrivé après plusieurs semaines de bateaux dans un pays occidental, et sont accueilli un temps dans un dortoir.
Au début, Monsieur Linh reste dans le dortoir à s’occuper de Sang Diû sous les moqueries des autres. Il finit par accepter de sortir, se promener, toujours avec sa petite fille. Il s’arrête sur un banc, en face de l’entrée d’un parc. Un autre homme arrive, Monsieur Bark, grand, gros, il semble un peu plus jeune que Monsieur Linh. Il s’assoit à côté de lui et se met à lui parler, on apprend qu’il a perdu sa femme deux mois auparavant.
Malgré la barrière de langue, une amitié naît entre les deux hommes, via des gestes, cette main de Monsieur Bark posé sur l’épaule de Monsieur Linh, des attentions, ces paquets de cigarettes données tous les jours, cette robe offerte pour sa petite-fille, les balades dans le parc, devant le manège dont s’occupait la femme de Monsieur Bark, jusqu’à la mer ou Monsieur Linh lui parle de son pays natal, où son ami, regrette plus jeune d’avoir été engagé pour y faire la guerre. Ils se retrouvent ainsi tous les jours.
ET ATTENTION SPOILER !
Ce qui suit raconte la fin du spectacle, survolé ce petit passage si vous voulez vous gardez un peu de surprise :3
Mais le dortoir doit bientôt être fermé, Monsieur Linh est envoyé dans un château semblant à un asile de vieilles personnes, toujours avec sa petite fille qui, elle, reste toujours aussi calme. Son ami lui manquant, il parvient à partir au bout de long mois enfermé là. Il manque de se perdre, marche longuement, fatigue, et commence à désespérer au moment où il reconnaît des portes qui lui sont familière. Il a retrouvé le parc.
De l’autre côté, il voit le banc où il s’asseyait, son ami dessus, il l’aperçoit, lui cri le seul mot jamais appris dans la langue de ce pays “Bonjour”.
Heureux de revoir son ami, il traverse la route sans faire attention. Il a le temps de serrer Sang Diû, de l’embrasser sur le front avant d’être fauché par une voiture. Quand Monsieur Bark l’atteint, il sert toujours fort la poupée entre ses bras.
C’EST BON JE SPOIL PLUUUS !
C’est une mise en scène assez sobre qui nous fait face. Une caméra côté cours, une autre côté jardin, décalé d’un ou deux mètre sur la longueur pour pouvoir filmer deux endroits différent, une chaise tenant lieu de banc le plus souvent.
Ainsi lorsque les deux amis se rencontrent l’acteur est filmé deux fois et projeté sur l’écran en fond de scène. Une courte boucle pour l’un des deux pendant que l’autre est filmé en direct.
Au centre se trouve trois instruments de musiques, un micro pour pouvoir les enregistrer. C’est le comédien qui vient parfois enregistrer de court sample qui vont se diffuser, ajoutant une ambiance toujours assez calme, sauf une fois, plus violente lors d’un passage particulier, quand Monsieur Linh va faire un rêve un peu étrange vers la fin de la pièce.
Les autres personnages n’apparaissent que via des répliques, apparaissant sur le même écran en fond de scène. Les mots des personnes du pays accueillant sont affichées avec une bonne partie des lettres manquantes, et le comédien tient une radio grésillante, comme si il en avait besoin pour décoder le langage. Le tout marquant l’incompréhension de Monsieur Linh face à cette langue qui lui est inconnue, et plongeant ainsi le spectateur dans cette même situation (comme on peut le voir sur la photo ci-contre).
L’écran en fond est par ailleurs beaucoup utilisé, pour les répliques, les scènes entre les deux messieurs mais également en montrant, toujours blanc sur fond noir, des images composés de traits, ou de mot, faisant références aux personnages proches (hommes, femmes, enfants) ou pouvant rappeler l’esquisse d’une ville aux hauts immeubles (ici, l’on voit bien le fond ainsi que les instruments de musiques évoqués plus haut.)
Les lumières viennent jouer leur rôle de manière plus discrète. Le plus souvent elles viennent poser l’ambiance en fonction du temps dans la pièce, tant au sens de la météo que du jour et de la nuit, permettant un peu plus d’immersion dans le spectacle.
C’est une pièce qui se veut très intimiste, jouant sur plusieurs arts – tant ceux du son et de la musique que ceux de l’image et de la vidéo – à la mise en scène sobre mais suffisamment suggestive pour que le spectateur comprenne et imagine avec l’aide des mots du comédien. De plus, ce sentiment est pour cette représentation aidé par le fait qu’elle se soit déroulé dans le studio du Phénix, une petite salle n’ayant plus d’une centaine de places, ajoutant une proximité avec le spectateur.
Ce spectacle m’a vraiment touché.
Et hop, on retourne en zone spoiler !
A vrai dire, c’est principalement la fin qui m’a le plus marquée. Outre son côté brusque et même tragique, c’est le “plot twist” concernant la petite fille que je n’avais pas vu venir qui m’a le plus remué, pourtant amené depuis le début par les mots suivants :
‘Il y avait aussi le corps de son fils, celui de sa femme, et plus loin la petite, les yeux grands ouverts, emmailloté, indemne, et à côté de la petite une poupée, sa poupée aussi grosse qu’elle, à laquel un éclat de la bombe avait arraché la tête.”
Sans oublier le fait que l’homme entretient une relation étrange avec sa petite fille, toujours très calme, dormant souvent, toujours avec lui – même dans l’asile – sans jamais vraiment réagir. Cela, plus les moqueries des uns et l’indifférences des autres dans le dortoir.
FIN DE ZONE SPOILER !
Comme je l’ai dit c’est un spectacle à la mise en scène assez sobre mais pourtant recherchée, assez court également (environs 1h10 ou 20), très calme. Jérôme Kircher, malgré quelques bafouillement vite rattrapé dans le début, à su tenir avec brio ce spectacle, réussissant à retranscrire tant les émotions de Monsieur Linh que celle de Monsieur Bark.
La mise en scène marche d’ailleurs très bien, l’affichage en fond du comédien en double – un peu déstabilisante au début – mais dans deux attitudes différentes permet de faire vivre les deux personnages principaux et la relation entre les deux. On se sent proche de ces deux hommes ayant tout deux connus les traumatismes de la guerre et plongé dans la solitude depuis peu de temps. J’ai au passage, beaucoup apprécié l’idée d’afficher les répliques des personnages ne parlant la même langue que Monsieur Linh seulement partiellement, nous faisant nous sentir à sa place au niveau du problème de la barrière de la langue.
Il est clair que Guy Cassiers voulait créer un sentiment bien différent de son autre spectacle Borderline, où le spectateur se retrouvait être bien plus lointain des immigrés, dans un spectacle plus froid, plus brute, presque violent, là où la petite fille de Monsieur Linh possède une atmosphère plus douce mais également plus triste, et où l’on est bien plus proche de cet homme ayant été contraint de fuir son pays avec presque rien.
C’est donc un spectacle que j’ai beaucoup apprécié, ce qui fait que j’ai peut-être un peu du mal à lui trouver des éléments à lui reprocher.
Crédits (parce que c’est important) –
de Philippe Claudel
mise en scène Guy Cassiers
avec Jérôme Kircher
production Toneelhuis
conception son Diederik De Cock
conception vidéo Klaas Verpoest
conseil costumes Tim Van Steenbergen
la version française est une coproduction le phénix scène nationale Valenciennes pôle européen de création, MC93 − Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis (FR), Espaces Malraux − Chambéry (FR), La Rose des Vents − Villeneuve d’Ascq (FR) et Espaces Pluriels − Pau (FR)
photos Kurt van der Elst
http://scenenationale.lephenix.fr/programmation/theatre/la-petite-fille-de-monsieur-linh/