Chapitre 2

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Chapitre 2 –

 Le ciel était gris, les nuages le recouvrant intégralement. Le soleil semblait être levé depuis à peine une poignée d’heures lorsque Simon s’éveilla.
Il s’étira, puis jeta un œil à son réveil. 8h34.
 - Bordel…
 Le tueur avait dormi à peine cinq heures cette nuit, prit par une terrible insomnie.
 Après avoir regardé les nouvelles de la journée, il était partit se coucher, mais ses pensées n’avaient cessé de dériver. Passant de ce futur contrat dont iels ne savaient rien, à l’état actuel de son associée. Il était resté dans son lit, tournant et se retournant sans cesse, à cogiter.
 Tout de même paradoxalement et étonnement en forme, il se leva et attrapa un jean et un tee-shirt qui traînaient là. Il enfila ce dernier tout en se rapprochant de la fenêtre.
 De l’autre côté des carreaux salis, tout était blanc, recouvert par une fine couche de neige. Neige qui par ailleurs était toujours en train de tomber. Cela faisait un léger contraste peu coutumier – mais pas désagréable – avec le gris habituel des environs. Cependant, un beau « Merde. » ne put s’empêcher de s’échapper de sa bouche.
 Il soupira.
 - Ça va être sympa pour aller au rendez vous ce soir, fit-il à lui même, parfaitement ironique.
 Il avait presque atteint la porte de sa chambre lorsqu’une alarme sonna et son esprit, lui faisant soudainement revenir en mémoire la haine quasi viscérale de la neige par son associée. Simon n’en n’avait jamais connu la raison, mais au moins cela eu le mérite de lui rappeler quelle saison se déroulait en ce moment… et ainsi la raison au moral peu haut de la jeune femme. …Tout du moins ce dont il pensait être la raison.
 Il rejeta ces pensées dans un coin de son esprit, malgré tout innocement convaincu que tout irait bien pour elle.
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 Une tasse de café de sous marque près de lui, un ordinateur portable sur les genoux, Ladd regardait tranquillement les nouvelles.
 Les guerres faisaient toujours rage, qu’elles soient civiles, ou même dehors de la Terre, fort heureusement pas Internationale, la seule chose que les dirigeants avaient appris de leur erreurs passés.
 Mais des morts étaient déclarés tous les jours, et plus rarement, des disparitions. Cette nuit, c’était le cas pour tout un vaisseau ; sur l’article en ligne, la liste des membres d’équipage, avec en tête, le capitaine : un certain Gaëtan Moreau.
 Il clôt la page Internet, et referma son ordinateur, tout en lâchant un soupir. Ça faisait un moment que cette situation durait, et plus le temps passait, moins ça s’arrangeait. Il n’y avait qu’à voir l’état de la métropole où iels vivaient : plus déprimante de jour en jour.
 En effet, elle était dans un état déplorable… Entre un taux de chômage énormes et une espérance de vie ne dépassant les cinquante ans, peu aidé par la météo qui jouait sur tout l’Ouest du pays, entre les vents radioactifs et les pluies – voire neiges – acides entraînant de multiple problèmes de santé supplémentaires. Cela se répercutait visiblement sur la ville : les immeubles étaient nombreux à tomber en ruines, la police et les secours n’osait même plus aller dans certains quartiers à cause de leur insalubrité, pendant que des gangs en profitait pour s’y installer, faisant régner la terreur auprès des habitants. De plus, l’état allait économiquement très mal, faisant éclater les tensions, réveillant des mouvement nationalistes et indépendantistes. Seuls les quartiers les plus riches échappaient à peu près à tout cela, mais à quel prix ?…

 Le jeune homme lâcha un soupir et posa son PC à côté de lui. Il se releva et se dirigea tranquillement vers la petite salle de bain.
 Passant devant la chambre de son associée, il fut stoppé net. Au travers de la porte il entendait de légers gémissements, accompagné d’une respiration assez saccadée. Sans hésiter, Simon entra en trombe dans la chambre.
 Il la vit, allongée sur son lit au milieu de ses draps; elle ne cessait de remuer, manifestement en plein cauchemar.
 Il approcha rapidement de la jeune femme et s’accroupit doucement à côté du lit.
 - Eh, Jennie, tu m’entends ? Ehoh.
 Voyant – sans étonnement – que cela ne changeait pas grand chose à son état, il se redressa un peu et se pencha légèrement au dessus d’elle. Le tueur n’était pas exactement ce qu’on pourrait appeler à l’aise, et ne savait trop comment faire pour la rasséréner. Maladroitement, il passa la main sur sa tête et lui caressa doucement les cheveux.
 - Hey Jen’, commença-t-il du ton le plus apaisant qu’il put, calme toi ma belle.
 Et au fur et à mesure des paroles douces – bien que toujours malhabile – du jeune homme partiellement embarrassé, elle cessa peu à peu de bouger et de gémir, sa respiration finit par se tranquilliser.
 La voyant calmée, il commença à se relever, mais c’était sans compter le fait que la jeune femme aux cheveux de feu ouvrirait les yeux.
 - Hm… Simon ?
Ce dernier était terriblement gêné, et en perdait ses mots.
 - Euh, ou… euh… ui ?
 Elle remarqua son trouble et cela l’amusa : le grand Simon Ladd, assassin expérimenté de son état, était très vite mal à l’aise dès qu’il devait faire preuve de gentillesse, ou aider autrui. Dès qu’il devait être un minimum sociable pour autre chose qu’un contrat en fait.
 Elle avait comprit bien vite que c’était bien grâce à lui qu’elle avait pu se réveiller ôtée de tout tourment, elle se contenta alors de lui dire simplement en souriant :
 - Merci.
 - De… euh… de rien.
 Au vu du silence qui commençait à s’installer, l’homme préféra choisir l’option du repli rapide hors de la chambre, afin d’échapper à une quelconque situation d’autant plus malaisante, la laissant seule se réveiller tranquillement.

 Lorsqu’il eut quitté la pièce, Jennie s’assit sur le bord de son lit et resta un moment comme ça, se concentrant uniquement sur sa respiration, qu’elle chercha la plus calme possible. Elle entendit la douche s’allumer dans la pièce à côté. Elle s’habilla rapidement et sortit de la pièce, laissant les dernières images de sa nuit finir de se désagréger à la lumière diffuse du jour.
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 Une tasse de café bien chaud entre les mains, l’ordinateur portable posé sur le canapé, Drist surfait tranquillement sur le net.
 Simon sortit de la salle de bain, les cheveux encore bien humides, à peine vêtu d’un jean dont la ceinture n’était même pas fermée, et d’une chemise sombre déboutonnée.
 La jeune femme jeta un œil vers lui. Même si elle n’était pas franchement attirée par son colocataire, il fallait avouer que le bougre n’était plutôt pas mal : un mètre septante-trois, assez musclé, la peau légèrement hâlée; sur son torse se remarquait plusieurs cicatrices presque effacées par le temps mais pourtant indélébiles. Ses yeux remontèrent vers son visage à la mâchoire un peu carré où demeurait une barbe qu’il rasait à peine une fois par semaine – plus par flemme que par réel souci d’esthétisme -, sans oublier son nez aquilin légèrement relevé, et ses deux yeux d’un bleu gris quasi envoûtant devant lesquels tombaient souvent des mèches de cheveux sombres bien trop longues.
 Elle sourit.
 - Bien dormi ?
 Il n’avait absolument pas fait attention au regard de son associée, trop occupé à se sécher activement les cheveux avec la petite serviette qu’il portait désormais sur les épaules.
 - Pas exactement.
Elle fut secouée par un rire nerveux.
 - Bienv’nue au club.
 En se replaçant face à l’écran de son ordinateur, son regard survola la fenêtre. Elle soupira, l’air presque blasé.
 - Et en plus il neige…
 - Hm… C’est chiant.
 La plus jeune reprit son exploration du net, allant de site en site de manière quelque peu aléatoire, achevant par ce biais la conversation.
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 Les deux tueurs marchaient dans les rues de la métropole, depuis près d’une heure. La ville était très grande, et tous les transports entièrement bloqués par la neige qui ne cessait de tomber depuis le début de journée.
 Peu avant 20h30, iels arrivèrent finalement au Daniel’s, recouvert de neige. Iels entrèrent, échappant ainsi avec joie au froid rude et sec de l’hiver.
 Dans la petite salle assez sombre, deux hommes discutaient à une table, une femme d’âge moyen buvait accoudée au bar, fixant la télé qui crachait ses infos en continu sur le mur d’en face et un petit groupe d’amis rigolait dans le fond de la pièce.
 Les deux s’installèrent dans un coin de la salle, non sans avoir commandé auparavant une bière pour l’une, et du whisky pour l’autre.

 Simon reposa son verre de scotch sur la table, sortant de ses pensées, il entama – à mi voix par question de discrétion – la discussion avec son associée.
 - Le rendez-vous devrait pas être très long.
 Elle acquiesça puis fit un mouvement rapide de la tête vers la fenêtre au travers de laquelle on pouvait apercevoir la neige tombait toujours.
 - Rien que pour ça, la paye à intérêt à être élevée, fit-elle, quelque peu sarcastique.
 La jeune femme était parvenu à ignorer un temps les troubles qui la torturaient depuis quelques temps, reprenant petit à petit sa confiance en soi, se réjouissant presque à l’idée d’avoir ce nouveau contrat histoire de se défouler un peu.
 - Ça on verra bien, mais commençant un peu à saisir le personnage, elle va pas y aller à moitié la fortunée. Surtout si elle veut nous motiver !
Elle retint un rire.
 - Et un avec un peu de chance on va même pouvoir s’amuser un peu.
 - M’en parle pas, ça commence doucement à me manquer.
 Buvant une gorgée de sa bière, elle songea à ce qu’il pourrait arriver tout à l’heure, analysant toutes les éventualités possibles et inimaginables, comme à chaque fois.
 Et comme à chaque fois, les deux associés avaient pris soin de bien se munir. En effet, si iels avaient toujours au moins une arme sur eux, lorqu’iels devaient rejoindre le centre-ville – et surtout lors de rendez-vous – un soin tout particulier était apporté à leur équipement. Tous deux étaient parvenus à récupérer des armes de l’ancien monde, qu’iels ou d’autres avaient remis en état de marche. Ainsi, lui avait toujours son fidèle révolver dans une poche interne à sa veste de costume : un Smith & Wesson Model 29, ainsi qu’une petite dague à sa ceinture, sans oublier un bon poignard caché au niveau de sa cheville, et même trois mince couteau de jet dans l’une des poches de son manteau. Elle, possédait à sa ceinture, caché par son tee shirt large, un Berretta 92G – l’une de ses armes favorites -, à côté : une dague de bonne taille, et dans chacune de ses rangers, deux fins poignards très bien aiguisés.
 Après tout, on ne pouvait jamais savoir ce qui risquait d’arriver, et ce à tout moment; valait mieux être paré à toutes les possibilités, surtout dans leur métier.
 Simon lui indiqua sans un mot l’heure. 20h50. Iels se sourirent et finirent leur alcool respectif cul-sec puis sortirent, non sans laisser quelques pièces sur leur table.
 Dehors, la neige tombait toujours, bien que plus éparse. Iels firent rapidement le tour des immeubles, rejoignant en moins de deux minutes leur lieu de rendez vous.
 Iels échangèrent un regard et, sans plus dire quoi que ce soit, iels s’installèrent à leur endroits favoris, guettant l’arrivé de leur rendez-vous. Assis sur un rebord de fenêtre privé de toute vitre, les deux assassins étaient presque invisibles ainsi caché dans la pénombre.

 Il était 21h07 quand Eléonore Gwych arriva, accompagnée de ses deux gardes du corps, ostensiblement armés jusqu’aux dents, voir même aux cheveux. Emmitouflée dans un long manteau blanc composé principalement de fourrure, la femme d’une cinquantaine d’année fit signe à son escorte de se stopper. Elle avança.
 Simon et Jennie sortirent de l’abri de l’encadrure, désormais éclairé par la faible lumière de la Lune, perçant par endroit au travers des nuages épais.
 - Drist, Ladd, heureuse de vous voir malgré ce temps.
Le tueur sourit, sarcastique.
 - Toujours présents quand on a besoin de nos services, vous le savez bien.
 Iels remarquèrent en même temps une mallette sombre qu’elle portait dans l’une de ses mains, gantée de satin clair.
 - Alors, en quoi consiste la tâche ? demanda la jeune femme, sûre d’elle.
 - Deux hommes. L’un se nomme Léon Pascal, c’est un concurrent qui débute tout juste, et qui commence à se montrer très gênant, l’idéal serait que vous l’abattiez. Si tout se passe comme prévu, sans lui à la tête, l’entreprise ne continuera pas longtemps.
 « Classique. » songea Simon. Il regarda son associée, elle tourna légèrement la tête vers lui. Leurs yeux se croisèrent brièvement; iels sourirent : la même pensée avait traversé leur esprit.
 Ne s’en rendant pas compte avec la pénombre, leur commanditaire continua :
 - Pour le second, c’est plus délicat.
Leur attention fut de nouveau récupérée par Madame Gwych.
 - Arthur Dellila. Il s’agit de l’un de mes anciens collaborateurs qui n’a jamais aimé mes méthodes de travail. Nous avons eu de très nombreuses et violentes disputes et, son seul et unique souhait maintenant est de me trainer devant la justice, et il a tout en sa possession pour me faire couler.
Intéressant.
 La femme ouvrit rapidement sa mallette, en tirant une enveloppe assez épaisse.
 - Voici toutes les informations dont vous avez besoin, ainsi qu’une avance de dix mille roubles.
 Un sourire quasi carnassier apparut sur les visages des deux associés.
Très intéressant.
 Elle reprit :
 - Vous en aurez le décuple lorsque vous aurez réalisé cette mission.
 La cinquantenaire leur tendit l’enveloppe, Jennie s’approcha rapidement et l’attrapa. Elle vérifia rapidement le contenu et la tendit à son associé qui fit de même.
 Un nouveau regard, une réponse évidente.
 Simon Ladd pris la parole.
 - On accepte.


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